L’apologue classique du choix d’Hercule trouve une actualité nouvelle à l’époque romantique. Les personnages du roman réaliste s’en souviennent qui vont dans la vie de carrefour en carrefour. Dans les premières années du XIXe siècle, la littérature, en France, s’impose comme le lieu privilégié où l’on s’essaie à la vie.
À quoi sert la littérature ?
À s’orienter dans les chemins de l’existence, à anticiper le moment crucial du choix, à apprivoiser en soi les déchirures tragiques du dilemme.
Quels liens intimes se tissent entre le livre et la vie, le livre et la société dans lequel il est lu ?
Cette question très actuelle, qui témoigne d’un certain retour aux « humanités » dans la critique littéraire, le premier XIXe siècle se l’est posée avec une acuité d’autant plus grande qu’il naissait sur les « débris » de l’Ancien Régime, qu’il lui fallait mettre des mots sur ce grand bouleversement et reconstruire des cadres moraux et sociaux. Tout y est ainsi évalué à l’aune d’une moralité qui se cherche et se déplace : l’Institution propose des normes plus incertaines qu’on ne pourrait le croire (la censure théâtrale, le prix Montyon, l’Université) ; penseurs et écrivains proposent leur morale, singulière ou communautaire (Ballanche, Tocqueville, Balzac, Sand, Musset, Gautier, Fourier, Leroux…), tandis que les contre-modèles prolifèrent (le gueux, le brigand, le poète-assassin, le criminel), qui n’expriment pas un renoncement à la morale, fût-ce celle de l’immoralité.
Préface, par Christophe Pradeau, Myriam Roman, Sophie Vanden Abeele-Marchal
Première partie - Morales de l’Institution
Sophie Vanden Abeele-Marchal, Les Essais de littérature et de morale de Saint-Marc Girardin ou la critique éthique à l’aune du libéralisme de la monarchie de Juillet
Christèle Couleau, Balzac, Flaubert et le prix Montyon
Odile Krakovitch, Le consensus moral entre censeurs et dramaturges durant la première moitié du xixe siècle
Lucie Rey, Le vrai, le beau, le bien, ou l’art au service du spiritualisme cousinien
Deuxième partie - (Re)penser la morale
Claude Rétat, L’humanité sentimentale : Pierre-Simon Ballanche
Laurence Guellec, La voie utilitariste : doctrine de l’intérêt bien entendu et morales secrètes dans la Démocratie en Amérique de Tocqueville
Françoise Sylvos, Morales de l’utopie au xixe siècle
Troisième partie - Morales de l’écrivain
Emmanuelle Tabet, Faut-il tout dire ? Moralité et immoralité de la révélation de soi chez Chateaubriand
Jacques-David Ebguy, Pour en finir avec le jugement ? Balzac face à la question morale
Brigitte Diaz, « Moraliser son siècle » : l’éthique de la littérature selon George Sand
Sylvain Ledda, Musset moraliste ?
Martine Lavaud, Théophile Gautier, la morale et la caricature
Quatrième partie - Figures de la transgression
Anne Kern-Boquel, La figure du gueux dans l’œuvre de Béranger
Roselyne de Villeneuve, De la difficulté d’être brigand : le voleur, la vocalité et le vague dans Jean Sbogar
Myriam Roman, La morale du poète-assassin : Pierre-François Lacenaire (1835-1836)
Alex Lascar, Un romancier romantique face au crime et aux criminels : Eugène Sue, Les Mystères de Paris
Michel Lichté, Le criminel balzacien
Christophe Pradeau, Conclusion. La littérature, apprentissage de la vie : Balzac, Proust et le choix d’Hercule
Bibliographie
Index des noms propres